- Contexte historique
L’Afghanistan est en conflits armés depuis plusieurs décennies, se trouvant à l’intersection des intérêts géostratégiques de plusieurs puissances, dont la Chine, la Russie, l’Europe et les États-Unis (Madrid, 2012). La violence n’est donc pas un phénomène nouveau pour ce pays enclavé de l’Asie centrale. Reunion (2007) situe le début des hostilités vers la fin des années 1970, plus précisément avec la chute du régime en 1978 et l’arrivée au pouvoir du Parti Démocratique Populaire d’Afghanistan (PDPA).
La prise du gouvernement de Kabul par le parti PDPA a entraîné l’invasion du pays par l’Union soviétique, une occupation militaire qui a duré jusqu’en 1989, soit durant dix ans. Lorsque les troupes soviétiques ont perdu la guerre afghane et se sont retirées, l’Afghanistan est alors plongé dans la guerre civile entre les différents groupes de mujahideens qui revendiquaient le pouvoir central. Cette situation demeure l’un des épisodes historiques les plus inquiétantes pour le peuple afghan puisque la violence avait atteint des proportions extrêmes dont les crimes sont restés impunis à ce jour.
Par
ailleurs, un de ces groupes a réussi à se démarquer et à consolider son pouvoir
sur la quasi-totalité du territoire, ce sont les talibans qui, en 1996,
ont pris la ville de Kabul et instauré un régime politique strict. Toutefois, même
si cette prise de pouvoir a constitué, pour les afghans, une réjouissance à
cause de la fin de la guerre civile, l’arrivée des talibans n’avait pas garanti
la fin de la guerre et de la violence. Ainsi, il y a eu une institutionnalisation
de la violence sous le régime Talibans, particulièrement celle faite aux femmes
(Gannon, 2005).
C’est ainsi que, après les attaques du 11 septembre 2001, les États-Unis sous l’égide de l’OTAN et avec l’appui militaire de leurs alliés, ont envahi l’Afghanistan à la recherche des « terroristes » d’Al-Qaeda ayant perpétré et organisé les attentats ayant eu lieu sur le sol américain. Cette période a été beaucoup plus longue que prévue : débutant en 2001, elle s’est poursuivie jusqu’en 2014, année où les États-Unis ont commencé à retirer leurs troupes du pays. Au regard des événements actuels, il est de plus en plus certain que la date du 31 août est l’ultimatum accordé par les Talibans pour la présence américaine sur le sol Afghan. Ainsi, la période historique allant de 2001 à 2021 sera donc considérée comme « post-guerre », bien que les opinions soient très mitigées sur le sujet (Anctil, 2015).
2. Raisons de l’invasion militaire
Partant
de la vision de Mearsheimer (2015), la décision des États-Unis, comme grande
puissance, de pousser l’intervention internationale (l’OTAN) en 2001 contre le
régime taliban était justifiée. Ainsi, depuis le 11 septembre 2001, le
terrorisme international, et surtout le fondamentalisme religieux islamiste,
est donc devenu le cheval de bataille des États-Unis afin d’éviter une autre
attaque sur le sol américain.
Pour
Gilpin (1996), cette intervention devrait s’inscrire avant tout sous l’angle du
calcul rationnel coûts-bénéfices, autant du point de vue moral que matériel.
Les Etats-Unis devaient intervenir puisque ses dirigeants ont considéré que la
guerre contre les Talibans était une bonne réponse face à la menace de ses «
intérêts vitaux » (Macleod, 2010a).
Sous cet angle, la sécurisation de l’État afghan est devenue une priorité pour
l’intérêt national américain, la survie de son État et le maintien de son
statut de puissance hégémonique.
De ce fait, l’invasion militaire était justifiée par « l’existence d’une menace clairement établie contre les intérêts nationaux de l’État agresseur » (Macleod, 2010a). De plus, les États-Unis en 2001 étaient en position de pouvoir faire face à la menace que représentait l’Afghanistan comme État « failli » car même si l’attaque du 11 septembre avait causé beaucoup de victimes, la puissance matérielle et économique des américains n’était toujours pas fondamentalement remise en cause et les USA avaient réussi à mobiliser l’intérêt international dans sa lutte contre le terrorisme, qui s’avérait être une menace réelle pour plusieurs pays et leur sécurité (Walt, 2001, 2002).
3. Nombre estimé des soldats américains et ceux de l’OTAN
Jusqu’en juillet 2016, l’intervention militaire américaine avait maintenu près de 9 800 soldats sur le sol afghan dont 6 800 sous le mandat de l’OTAN avec la mission « Resolute Support » et 3 000 soldats américains avec l’opération « Freedom Sentinel », et ce, dans le but de former les forces afghanes afin qu’ils entreprennent des opérations militaires efficaces contre le terrorisme (ECP, 2015).
4. Coûts économiques et humains
Les
conséquences de l’invasion militaire américaine sur le sol Afghan sont néfastes
pour l’économie américaine. En effet, plusieurs arguments attestent que le
maintien des troupes américaines et de l’OTAN ne pouvait plus être
financièrement soutenu étant donné les multiples fronts sur lesquels se
déploient lesdites troupes (Jones, 2010).
Mearsheimer
et Walt (2016) ont estimé les coûts économiques et humains de la guerre en Afghanistan
à près de 4 000 milliards d’USD et des pertes en vies humaines de 2
500 soldats américains avec plus de 20 000 soldats américains blessés.
À cela s’ajoute les constantes violations des droits fondamentaux en plus des milliers de victimes de la guerre : 165 000 personnes auraient perdu la vie entre 2001 et 2016, dont 31 000 civils (Watson, 2016) et des millions de blessés.
5. Résultats de l’intervention américaine
L’objectif
initial de la présence américaine sur le sol Afghan était de forger « un
État moderne et compatible avec les intérêts américains où les forces afghanes
auraient le monopole du pouvoir » par la modernisation de l’armée et l’instauration
du régime démocratique.
Malheureusement, les évidences empiriques ont montré, qu’au stade actuel, cet objectif est très loin d’être atteint car le pays n’a pas pu refléter ces caractéristiques en 20 ans (Smith, 2009a). Les situations sociales, économico-politiques ainsi que sécuritaires demeurent précaires. En plus, le gouvernement de Karzai s’est finalement avéré très corrompu et avec un très faible degré de leadership en dehors de la capitale.
En
effet, malgré les efforts très coûteux conjugués et la très longue durée des
conflits américano – Taliban, les résultats de l’intervention de 1’OTAN sont
très peu tangibles (Jackson Jr.,
2010). La sécurité s’est donc, au contraire, largement détériorée depuis
2006 et la menace talibane ne s’est pas estompée, mais plutôt complexifiée (Tripathi, 2014).
Ainsi donc, les vingt (20) années de guerre en Afghanistan n’ont servi ni le
peuple afghan, ni le peuple américain car la menace terroriste pèse toujours de
plus en plus sur le sol américain. Au contraire, la situation est encore
devenue plus complexe : (i) les activités terroristes sont à la hausse au
Moyen-Orient ; (ii) la menace de Daesh pèse sur l’Afghanistan ; (iii)
les pourparlers de paix avec les talibans n’ont pas abouti et, jusqu’à ces
jours, les forces policières et
militaires afghanes ne sont toujours pas en mesure de faire face à l’instabilité
et la violence (Obama, 2016; Chaudet, 2016).
Ainsi, d’aucuns pensent que, l’insistance des États-Unis à rester sur sol afghan est non seulement injustifiée en termes d’intérêt national, mais elle est aussi contre-productive pour assurer la sécurité de l’État américain sur le long terme. Vue autrement, l’occupation actuelle de l’Afghanistan ne garantit en rien la sécurité nationale ni l’élimination de la menace terroriste à l’origine de l’invasion militaire. Les États-Unis devraient donc accepter la défaite et retirer leurs troupes de l’Afghanistan (Mearsheimer, 2009).
6. Perspectives
En
termes de perspectives, avec la prise de contrôle de l’Etat afghan par les
talibans, une hausse de degré d’incertitude est projetée avec des fortes violences
des populations, dont les femmes en particulier. Cette situation aura certainement
comme corollaire une détérioration du tissu économique afghan avec des dégâts
tant financiers que matériels.
Au
plan politique et sécuritaire, il est très probable que l’on assiste à des
épisodes des années 80s et 90s s’accompagnant des hausses des cas de violation
des droits de l’homme, des conflits tribaux et ethniques et donc de l’instauration
d’une instabilité politique et sécuritaire laquelle viendra approfondir le degré
de fragilité de cet Etat.
Au
plan international, sachant que l’Etat afghan dépend largement de l’aide au
développement, il est tout à fait envisageable que cette dernière constitue un
outil de négociation entre la communauté internationale et le pouvoir taliban
étant donné que l’Afghanistan attend des financements des bailleurs
internationaux à la hauteur de 12 milliards de dollars pour la période
2021-2024 et particulièrement le FMI qui se doit de verser la dernière tranche
de sa « facilité élargie de crédit », destinée à soutenir une économie affectée
par la crise sanitaire liée à la Covid-19, soit 105 millions de dollars
américains.