Congo Challenge – RDC : Ce qu’il faut savoir des réserves de change

Les Banques Centrales de tous les pays conservent les réserves officielles de change pour se prémunir contre les aléas de la conjoncture économique. En ce sens, un niveau adéquat des avoirs de réserves est requis pour parvenir à infléchir la situation macroéconomique. Cependant, après la déclaration de la gouverneure de la Banque Centrale du Congo, Madame MALANGU KABEDI MBUYI, invitée à la 20ème réunion du conseil des ministres en date du 17 Septembre 2021, cette thématique a suscité un regain d’intérêt sur la place publique congolaise.

En ce sens, les réserves internationales d’un pays ou les avoirs de réserve officiels sont les actifs extérieurs que l’autorité monétaire contrôlent directement et dont elle dispose pour répondre aux besoins de financement de la balance des paiements, pour intervenir sur le marché de change afin d’influer sur le taux de change, ainsi que d’autres besoins connexes notamment de maintenir la confiance dans la monnaie nationale et dans l’économie, et aussi d’emprunter à l’étranger.

De ce qui précède, deux conditions s’imposent, à savoir : (i) la disposition immédiate de ces avoirs et (ii) le contrôle de l’autorité monétaire. Ces conditions ont été à la base d’un biais dans la pratique et dans la manière d’enregistrer les réserves officielles internationales. Il faut mentionner que la disposition immédiate fait référence à la liquidité d’un actif, i.e. la capacité d’un actif à être acheté, vendu et liquidé à travers un coût et dans les délais minimes et sans modification excessive de sa valeur.

Il apparait donc que les avoirs de réserve officiels sont composés de : (i) réserves en devises ; (ii) la position de réserve au FMI ; (iii) Droits de tirage Spéciaux (DTS) ; (iv) l’or (y compris les dépôts d’or et l’or échangé dans le cadre de SWAP) ; et (v) autres avoirs de réserve. Ces avoirs ne concernent que les créances des autorités monétaires sur les non-résidents et ils sont captés dans la situation monétaire intégrée (SMI) par l’agrégat « Avoirs Extérieurs Bruts ». Inversement, les créances des autorités sur les résidents ne sont pas des avoirs de réserve et sont captées par le compte « Résidents en Monnaies Étrangères (RME) ».

Par ailleurs, la détention des moyens de paiement en monnaie étrangère est libre à l’entrée. Ainsi, la Banque Centrale peut accroitre son niveau de réserves internationales soit en achetant des devises étrangères auprès des banques commerciales, soit en sollicitant un appui à la balance des paiements auprès du FMI, soit en recevant les devises en contrepartie de l’appui budgétaire, ou en procédant au SWAP2 (proposition de la base monétaire en contrepartie des devises).

Vu l’importance que revêtent les réserves de change dans l’inflexion de la situation macroéconomique, une norme est établie en référence au nombre des mois d’importations. Le Conseil des Gouverneurs de l’Association des Banques Centrales Africaines, en sa session du 16 août 2017 à Pretoria, a adopté des critères de convergence harmonisés parmi lesquels figure l’exigence des réserves internationales couvrant un minimum de trois mois d’importations des biens et services. Historiquement, la RDC a pu atteindre au moins cette couverture d’importations à 4 reprises : (i) en 1968 avec 4,29 mois ; (ii) en 1969 avec 3,59 mois ; (iii) en 1970 avec 4,09 mois et en dernier lieu (iv) en 1973 avec 3,44 mois.

En effet, les avoirs de réserve de la RDC ont affiché une tendance haussière depuis un laps de temps comme l’indique le graphique ci-après.

Figure 1.  Évolution des réserves de change en RDC (en millions de USD (

Il se dégage ainsi que les réserves internationales ont connu des soubresauts de décembre 2020 jusqu’en juin 2021 et il s’est suivi, après le mois de juillet 2021, une hausse spectaculaire jusqu’à atteindre 3 339,47 millions USD.  Il est important de retenir que :

  • La hausse de juin en juillet 2021 est la conséquence de l’approbation de l’accord au titre de Facilité Elargie de Crédit (FEC) qui a permis le décaissement d’environ 216,9 millions USD pour renforcer les avoirs de réserve ;
  • La hausse de juillet en août 2021 est la conséquence des Droits de Tirage Spéciaux alloués à la RDC de l’ordre de 1 517 millions USD.

Il est évident que quoique les réserves aient présenté une tendance haussière jusqu’en juin 2021, elle a été amplifiée par la Facilité Elargie de Crédit (FEC) et par l’allocation DTS. Sans ces dernières, les réserves se seraient situées aux environs de 1 598,09 millions de USD à fin septembre 2021.

Il existe cependant une différence à relever entre les avoirs en DTS et les allocations de DTS. Les avoirs sont inclus dans les avoirs de réserve alors que les allocations de DTS sont enregistrées comme passifs dans les autres investissements (DTS) sous forme de dette à long terme. Cependant, les allocations de DTS sont enregistrées avec une écriture de contrepartie au poste avoirs de réserve (DTS).

Il faut mentionner que l’allocation de DTS, qui a permis à la RDC d’atteindre le record portant la couverture d’importations des biens et services à trois mois, présente des exigences. Les récipiendaires doivent justifier leur utilisation vers des projets spécifiques, à savoir, la relance économique post covid-19 ou investir dans la croissance verte. Par contre, les réserves de change permettent entre autres le payement à échéance des dettes contractées. Sur ce point, il s’observe également l’accroissement des engagements extérieurs. Il se constate que les réserves internationales ne présentent pas un grand écart avec les Engagements Extérieurs. Ceteris paribus, à chaque payement de la dette, il y aura diminution des réserves.

Ainsi, il a été constaté que les réserves internationales ont connu une augmentation spectaculaire suite à la FEC et à l’allocation des DTS alors qu’elles sont ponctuelles. Ce qui renvoie à dire que, de ces mouvements récurrents, il se dégage que la tendance est haussière mais à un rythme de faible ampleur. Comme on peut l’observer sur le graphique ci-haut, en fin période de septembre 2021, les réserves de change connaitront progressivement une baisse si la dynamique des réserves n’est pas renforcée des réformes vigoureuses, notamment dans la mobilisation des recettes publiques internes.

In fine, les réserves internationales actuelles permettent une couverture d’importations de trois mois, comme cela est recommandé dans l’ABCA mais cette couverture n’est possible d’être maintenue que si et seulement si les réformes sont mises en place pour permettre sa consolidation au fil du temps. Dans le but de permettre un accroissement de réserves, il faudrait entre autres améliorer l’appareil productif local en vue de limiter les importations, diversifier les exportations et ainsi il se dégagera un excédent de la balance commerciale.

Gratuité de l’enseignement de base en RDC : entre menaces de grève et poursuite de la réforme / Congo Challenge

Le chef du gouvernement de la République Démocratique du Congo, Son Excellence Monsieur SAMA LUKONDE, a déposé le mercredi 15 septembre 2021 au bureau de l’assemblée nationale, le projet du budget 2022. Ce projet du budget se chiffre à 9,9 milliards de dollars américains et s’inscrit dans le cadre du programme d’actions du gouvernement. Il est articulé autour de 62 axes regroupés en 15 piliers à travers 4 secteurs d’activités, à savoir : (i) secteur politique, justice, défense et sécurité ; (ii) secteur économique et financier ; (iii) secteur reconstruction et (iv) secteur social et culturel. Dans ce projet de budget 2022, le gouvernement a retenu quelques actions prioritaires, à savoir : (i) la poursuite de la gratuité de l’enseignement de base ; (ii) la poursuite de la couverture santé universelle ; (iii) le recensement et l’identification de la population ; ( iv) la protection du pouvoir d’achat de la population ; (v)  l’instauration de la gestion axée sur les résultats au moyen du budget programme ; (vi) le rajeunissement et la modernisation de l’Administration publique ; (vii) la poursuite de la réforme sur la fiscalité par la restauration d’un impôt global sur le revenu des capitaux des personnes ; et (viii) la protection du pouvoir d’achat de la population par la réduction du taux de la TVA sur les denrées de première nécessité.

Dans le cadre de cette analyse, il est question d’aborder une des actions prioritaires sus-évoquées, à savoir la poursuite de la gratuité de l’enseignement de base.

En effet, la rentrée scolaire 2021-2022 approche et la gratuité de l’enseignement de base, rendue effective sur l’ensemble du territoire nationale en 2019, ne demeure pas sans difficultés. La mise en œuvre de ce projet a été entachée d’irrégularités liées à la fois à la corruption et au détournement de fonds dus à la paie des enseignants. Malgré ces difficultés, la volonté du gouvernement demeure celle de poursuivre cette politique de gratuité qui donne une opportunité à tout enfant de bénéficier de l’éducation. Selon la Banque Mondiale, près de 3 millions d’enfants ont été inscrits à l’école primaire à travers tous les pays en dépit de l’impact de la pandémie de Covid-19 sur le calendrier scolaire et de la situation économique de familles1.

Cette politique de gratuité2 a suscité plusieurs réactions dont le mécontentement des enseignants des écoles conventionnées qui ont vu leurs salaires ramenés à la baisse. Tandis que les enseignants des écoles publiques ont vu leur salaire passer de 80 à 150 USD. Les frais de fonctionnement des écoles sont dorénavant pris en charge par l’État. 

Après avoir entamé depuis décembre 2019 les négociations avec les différents syndicats des enseignants, le gouvernement tente dans la mesure du possible de satisfaire les revendications de ces derniers. Il a par exemple procédé à l’identification du personnel de l’administration de l’EPST en vue de la maîtrise des effectifs et de la masse salariale. Parmi les réformes envisagées, la loi portant sur le statut des enseignants reste un de facteurs clés de l’accomplissement de la politique de gratuité de l’enseignement de base en RDC.

On ne le dira jamais assez que la réussite de la politique de gratuité de l’enseignement de base en RDC passe essentiellement par l’amélioration de la qualité de l’enseignement ainsi que par la construction ou réhabilitation des infrastructures scolaires. Bref, il faut que l’offre de l’éducation, exprimée par la disponibilité des infrastructures scolaires et du personnel enseignant suffisant, rencontre la demande (c’est-à-dire le total des enfants scolarisables). Aussi, il faut mettre également en place des mécanismes de distribution des matériels didactiques et de production des manuels scolaires ainsi que ceux de remise à niveau des enseignants. Il faut reconnaître que malgré la crise de la pandémie de Covid-19, les dépenses de l’État sur le secteur de l’éducation se sont accrues sensiblement en passant de 19,9% en 2019 à 28,3% en 20206.

Certes, les efforts déployés dans ce secteur sont considérables. Mais, il reste encore un long chemin à parcourir pour une éducation de qualité et cela nécessite un engagement ferme à la fois du côté de parents, des enseignants et de l’État. Le grand effort à fournir à l’heure actuelle est de s’assurer que les élèves de ce niveau d’enseignement de base puissent savoir lire et écrire, vu le nombre pléthorique observé dans les salles de classe. Il faut imposer une fréquence de deux à trois fois de l’exercice de la dictée. A l’ère de nouvelles technologies, ce n’est plus un secret que les mathématiques sont incontournables pour l’accession du pays à un stade de développement avancé. Dans tous les domaines de la vie, les prérequis mathématiques sont devenus une exigence fondamentale pour réussir avec succès. D’où un appel à augmenter les nombres d’heures de mathématiques pour plus d’efficacité dans l’adaptation des élèves. En outre, il suffit de repenser à doter les établissements scolaires des équipements de laboratoire selon le domaine d’enseignements afin de mieux assurer la partie pratique.

Au regard de ce qui précède, il s’avère indispensable, d’une part, d’accroître les ressources à allouer dans le secteur de l’éducation dans le budget de l’État, et d’autre part, de restreindre toute possibilité de sous-exécution des allocations budgétaires destinées à ce secteur. Cela devrait concourir à la formation du capital humain, car une population formée et en bonne santé contribuera au processus de génération des richesses, et donc au progrès socio-économique. Le graphique ci-dessous donne présente la tendance des dépenses publiques allouées à l’éducation de 2005 à 2020.

  1. Selon les données collectées par le ministère de l’EPST, ainsi que les enquêtes téléphoniques sur les ménages et les directeurs d’école menées par l’Institut national de la statistique et l’Observatoire des crises de la RDC, il a été constaté des hausses généralisées des inscriptions dans tout le pays.
  2. Le coût financier de cette réforme est estimé à plus d’1 milliard de dollars américains/an. Pour son appui à l’éducation, la Banque Mondiale compte débourser 800 millions de dollars américains sur quatre ans dans le cadre de son projet EESSE (Emergency Equity and System Strengthening in Education). En mai 2021, elle a décaissé 100 millions de USD comme première tranche de financement.
  3. Ces chiffres sont en pourcentage du PIB.