Adhésion de la RDC dans la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Est : Quels dividendes pour la RDC ?

Après avoir formulé en 2019 sa demande d’admission à la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Est (EAC)[1], la République Démocratique du Congo a adhéré officiellement ce mardi 29 mars 2022 à cette communauté, lors d’un sommet tenu en ligne par des dirigeants de Etats membres.  Elle est le 7ème pays membre de cette communauté et le plus grand en termes de démographie dont les potentialités économiques et les opportunités d’investissement sont énormes.

La question demeure non élucidée sur les avantages que tire la RDC dans sa multi-appartenance dans les communautés économiques régionales (CER). D’aucuns estiment que les intégrations régionales dont la RDC fait partie n’ont pas encore produit des résultats escomptés sur tout le plan. Pis encore, elle n’est pas toujours en bonne relation avec certains membres de dans certaines zones.  Par contre certaines personnes affirment que cette appartenance de la RDC dans diverses communautés économiques régionales est essentiellement basée sur (i) la recherche de la paix en termes de sécurité pour certaines zones frontalières ; (ii) le libre-échange de personnes et de leurs biens.

Cette affirmation se justifie du fait que la RDC se retrouve au cœur de l’Afrique avec 9 pays voisins et elle est à la croisée des chemins de plusieurs influences et possibilités de rayonnement vers différentes régions du continent[2]. La RDC est constituée en trois ensembles économiques dépendants des mouvances d’échanges extérieurs[3].

Selon la conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (UNCTAD) dans son rapport 2019 sur le développement économique en Afrique, les exportations intra-africaines ont représenté 16,6% en 2017 et les échanges intra-africains ont représenté 15,2% du total des exportations de l’Afrique pendant la période 2015-2017. Tandis que les échanges intrarégionaux des communautés économiques régionales ont été de 3,1 milliards dans entre les Etats de l’EAC, soit 48,3% de part du commerce intra-communautaire dans le commerce africain total. Il apparait que les échanges intrarégionaux entre les états de CER n’ont pas été significatifs par rapport aux échanges vers le reste du monde. Partant de ce qui est dit ci-haut, l’adhésion de la République Démocratique du Congo dans l’EAC serait motivée peut-être par des raisons politiques dont le but est de ramener la paix dans la région de l’Est, qui est sous l’emprise de groupes armées depuis déjà deux décennies et du fait que le CEPGL et tous ses mécanismes mise en place n’ont pas apporté des résultats escomptés en termes de sécurité et de paix. En se tournant vers cette communauté, la RDC s’attend à une résolution de ses conflits armées à travers une forte implication et un engagement commun de tous les membres. Ceci pourrait s’expliquer par le fait que la RDC supporte depuis des années l’hypocrisie de certains états membres faisant partie tant du CEPGL que de l’EAC qui joue le rôle clé dans ces conflits en dotant en armes les miliciens et une partie de leur terre sert de base arrière pour ces belligérants.

S’agissant des raisons économiques, l’EAC constitue une région très compétitive en termes de dynamisme existant sur ce marché. La RDC à travers la route de Kasindi via Kampala trouve une sortie vers l’océan Indien par le port de Mombasa, qui est très avantageux pour les commerçants congolais exerçant leurs activités dans l’ancienne province orientale et dans le Nord-Kivu. La RDC qui est un vivier, se présente comme un débouché pour les états membres dont certains ont des économies fortes et trouvent à cette adhésion une opportunité d’investissements. A travers cette adhésion de la RDC, les échanges dans la région pourront s’intensifier grâce à la réduction des coûts ainsi que la réduction des tarifs douaniers pour les marchandises. 

Cependant, la tendance des échanges dans cette zone économique n’a pas été en faveur de la RDC. En effet, en 2019, les exportations de la RDC vers les états membres de l’EAC ont été évalué à 5% de la valeur des exportations tandis que les membres de cette organisation ont exporté vers la RDC près de 940 millions de dollars américains de marchandises. D’où la nécessité pour la RDC de réorganiser son mode de production et de mettre en place des mécanismes permettant d’accroître sa production ainsi que sa compétitivité afin d’inverser cette tendance et de tirer meilleure partie des échanges économiques dans ladite zone. Aussi, la RDC pourrait profiter des infrastructures routières et énergétiques transfrontalières et bénéficier du projet de chemin de fer reliant le port tanzanien de Dar es salam à l’Est en passant par le Rwanda. 

Du point de vue linguistique, l’adhésion de la RDC à l’EAC va apporter la diversification linguistique et culturelle étant donné que le français sera ajouté comme troisième langue à part les deux autres langues dont l’Anglais et le Swahili.

II.1.1 Activité économique

Depuis le début de l’année 2022 et au cours du mois de mars, la République Démocratique du Congo, classée parmi les pays à faible revenu selon la dernière note de la Banque mondiale catégorisant les pays en fonction de leur revenu, demeure extrêmement vulnérable face aux chocs externes et internes.

Au mois de mars 2022, l’activité économique a connu une série de chocs qui démontrent une fois de plus cette vulnérabilité, avec des conséquences néfastes sur l’économie nationale, notamment la détérioration de certains indicateurs économiques.

Durant le mois considéré, les prix ont connu une évolution à la hausse et les réserves de change ont sensiblement baissé. Toutefois, le taux de change est resté stable.

Aussi, les prix des denrées alimentaires ont connu une hausse significative, et c’est pour plusieurs catégories des produits qui occupent une place de choix dans le panier de la ménagère en RDC. Il s’agit notamment des prix de : riz, farine de maïs, l’huile de palme et végétale, légumes, cosmétique, etc. Cependant, alors que la valeur du dollar américain est demeurée relativement stable sur le marché de change, la hausse des prix sur le marché semble trouver d’autres explications hormis celle liée à la dollarisation de l’économie congolaise. Sachant que l’économie congolaise est extravertie, l’inflation mondiale induite par la Covid-19 et l’effet mécanique de la hausse des prix du pétrole suite à l’invasion de l’armée russe en Ukraine se sont répercutés sur les prix des produits importés en RDC, notamment le riz, la semoule, etc.

En ce qui concerne les réserves de changes, le comité de conjoncture économique a fait état d’une baisse significative des réserves de changes de 3,5 à 2,4 milliards de dollars, bien que le taux de change sur le marché soit resté stable. Selon ce comité, une partie des réserves aurait servi à financer le budget, notamment le Programme de développement des 145 territoires. Cette chute des réserves de change pourrait détériorer davantage la situation socio-économique du pays dans un contexte où le pays fait face à plusieurs défis dont l’insuffisance alimentaire, l’absence de stabilité des institutions, les divergences politiques accrues, les conflits armés à l’Est du pays, etc.

En effet, les réserves de change jouent le principal rôle de stabilisation de la monnaie en temps de dépréciation. Pour le cas d’espèce, il faut noter que malgré la stabilité du taux de change sur le parallèle comme sur l’interbancaire, les prix des biens et services ne font que grimper en dollars et en monnaie locale. Ainsi, le niveau actuel des réserves de change ne pourrait permettre de résoudre les problèmes sus-évoqués, surtout dans ce contexte où le pays dépend fortement des importations pour couvrir la demande nationale et où les entrées en devises ne sont pas substantielles suite au faible niveau d’exportations. A ce titre, des efforts importants doivent être consentis et des réformes pertinentes devraient être mises en place pour inverser cette tendance et parvenir à la stabilisation du cadre macroéconomique.

D’un autre côté, le Fond Monétaire International (FMI) a mené une mission en RDC du 1er au 7 mars 2022, mission clôturée par une grande réunion de troïka politique présidée par le ministre des finances, qui a porté sur l’évaluation globale de la situation économique de la RDC dans le cadre du programme triennal avec le FMI. Lors de ladite mission, le FMI a aussi évalué l’utilisation d’une partie de la dotation d’environ 1,5 milliard de dollars approuvée en août 2021. Pour rappel, ce montant a été alloué à titre d’allocation des « droits de tirages spéciaux » (DTS), un mécanisme du FMI pour aider ses pays membres à faire face aux conséquences funestes de la crise économique due à la pandémie de Covid-19. A l’issue de ladite mission, le FMI a abouti aux conclusions ci-après : (i) le rebond économique en 2021, avec une croissance estimée à 5,7 %, a été soutenu par la reprise des secteurs minier et des services ; (ii) les risques à la baisse pesant sur les perspectives ont considérablement augmenté sous l’effet des évolutions externes et cela nécessite le maintien de politiques macroéconomiques prudentes ; et (iii) l’intensification de la mise en œuvre du programme de réformes des autorités soutiendra la reprise et renforcera la résilience de l’économie.

De l’autre côté, le gouvernement congolais a décidé d’attribuer la moitié de cette somme à des projets à caractère social et l’autre moitié au renforcement des réserves internationales de la Banque Centrale. Selon lui, cette initiative permettra de financer le programme dit de développement des 145 territoires pour faciliter l’accès des populations des zones rurales aux services de base comme l’éducation et la santé. Il dispose donc d’une enveloppe de plus de 700 millions de dollars sur un compte de la Banque centrale du Congo logé à la Banque des règlements internationaux, une institution financière de transit. Sur cette enveloppe, une première tranche de 300 millions de dollars pourrait être incessamment débloquée et mise à disposition des agences en charge de la mise en œuvre desdits projets.

Cependant, comme signifié précédemment, des incertitudes demeurent quant au montage desdits projets ainsi qu’à l’atteinte des objectifs poursuivis. Les allocations financières par territoire, les affectations des ressources aux postes indiqués et les mécanismes de suivi et contrôle mis en place restent des problématiques à résoudre pour s’assurer de la bonne exécution desdits projets et l’atteinte des objectifs escomptés.

Dans un autre registre, en date du 24 septembre 2020, le gouvernement de la République Démocratique du Congo à travers son ministère des PTNTIC (Postes, Télécommunications et Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication) avait décidé de mettre en place le Registre des Appareils Mobiles RAM, géré par l’ARPTC (Autorité de Régulation de la Poste et des Télécommunications du Congo) avec pour objectifs de vérifier des appareils mobiles conforme aux normes de la GSMA et l’UIT (Union Internationale de la Télécommunication) sur base du numéro IMEI ; bloquer l’accès à tout appareil contrefait ; Bloquer tout appareil mobile volé ou perdu etc.

Ces services susmentionnés, avaient comme contreparties le prélèvement obligatoire des unités d’appels sur toutes les cartes Sim dans le territoire national congolais mais sans avoir un soubassement légal, alors que la rémunération d’un service non sollicité par tout individu devient d’office une imposition. Les fonds collectés à travers cette taxe au bout d’une année ont été estimés à 266 millions de dollars américains par l’ODEP et étaient affecté à d’autres objectifs plutôt que ceux à quoi étaient destinés le service RAM au départ. Par exemple l’accompagnement de la gratuité de l’enseignement ou la rémunération des prestations de l’ARPTC n’étaient pas des objectifs de départ.

Le 01 avril 2022, à travers un communiqué, la FEC avait tiré la sonnette d’alarmes concernant une nouvelle taxe ayant les mêmes caractéristiques que celles du RAM. En effet, le Gouvernement congolais a réinstauré une autre forme de taxe de nouvelles rémunérations des prestations du Régulateur sur les services des Télécommunications frappant les services des télécommunications et de l’internet et portée par le Décret n°22/11 du 9 mars 2022 portant sur les modalités de calcul et les taux des revenus des prestations de l’ARPTC.

L’introduction de cette nouvelle taxe aura une incidence négative sur les prix des services offerts (des appels, SMS et internet) par les opérateurs et cela en vertu de la règle tarifaire de vérité des prix consacrée par la législation. Cette répercussion sur les prix touchera de plein fouet le pouvoir d’achat des consommateurs dans un pays où la situation socio-économique s’est largement dégradée et où la population peine à couvrir ses besoins élémentaires.

Ainsi, il serait plus pertinent pour le gouvernement d’apporter des réformes appropriées en matière de mobilisation des recettes et de mettre en place des mécanismes adéquats de contrôle afin de se doter des moyens pour financer l’action du gouvernement en lieu et place d’asphyxier davantage la population par l’introduction de ce type de taxe appauvrissante avec des incidences majeures sur le pouvoir d’achat de la population.