Gratuité de l’enseignement de base en RDC : entre menaces de grève et poursuite de la réforme / Congo Challenge

Le chef du gouvernement de la République Démocratique du Congo, Son Excellence Monsieur SAMA LUKONDE, a déposé le mercredi 15 septembre 2021 au bureau de l’assemblée nationale, le projet du budget 2022. Ce projet du budget se chiffre à 9,9 milliards de dollars américains et s’inscrit dans le cadre du programme d’actions du gouvernement. Il est articulé autour de 62 axes regroupés en 15 piliers à travers 4 secteurs d’activités, à savoir : (i) secteur politique, justice, défense et sécurité ; (ii) secteur économique et financier ; (iii) secteur reconstruction et (iv) secteur social et culturel. Dans ce projet de budget 2022, le gouvernement a retenu quelques actions prioritaires, à savoir : (i) la poursuite de la gratuité de l’enseignement de base ; (ii) la poursuite de la couverture santé universelle ; (iii) le recensement et l’identification de la population ; ( iv) la protection du pouvoir d’achat de la population ; (v)  l’instauration de la gestion axée sur les résultats au moyen du budget programme ; (vi) le rajeunissement et la modernisation de l’Administration publique ; (vii) la poursuite de la réforme sur la fiscalité par la restauration d’un impôt global sur le revenu des capitaux des personnes ; et (viii) la protection du pouvoir d’achat de la population par la réduction du taux de la TVA sur les denrées de première nécessité.

Dans le cadre de cette analyse, il est question d’aborder une des actions prioritaires sus-évoquées, à savoir la poursuite de la gratuité de l’enseignement de base.

En effet, la rentrée scolaire 2021-2022 approche et la gratuité de l’enseignement de base, rendue effective sur l’ensemble du territoire nationale en 2019, ne demeure pas sans difficultés. La mise en œuvre de ce projet a été entachée d’irrégularités liées à la fois à la corruption et au détournement de fonds dus à la paie des enseignants. Malgré ces difficultés, la volonté du gouvernement demeure celle de poursuivre cette politique de gratuité qui donne une opportunité à tout enfant de bénéficier de l’éducation. Selon la Banque Mondiale, près de 3 millions d’enfants ont été inscrits à l’école primaire à travers tous les pays en dépit de l’impact de la pandémie de Covid-19 sur le calendrier scolaire et de la situation économique de familles1.

Cette politique de gratuité2 a suscité plusieurs réactions dont le mécontentement des enseignants des écoles conventionnées qui ont vu leurs salaires ramenés à la baisse. Tandis que les enseignants des écoles publiques ont vu leur salaire passer de 80 à 150 USD. Les frais de fonctionnement des écoles sont dorénavant pris en charge par l’État. 

Après avoir entamé depuis décembre 2019 les négociations avec les différents syndicats des enseignants, le gouvernement tente dans la mesure du possible de satisfaire les revendications de ces derniers. Il a par exemple procédé à l’identification du personnel de l’administration de l’EPST en vue de la maîtrise des effectifs et de la masse salariale. Parmi les réformes envisagées, la loi portant sur le statut des enseignants reste un de facteurs clés de l’accomplissement de la politique de gratuité de l’enseignement de base en RDC.

On ne le dira jamais assez que la réussite de la politique de gratuité de l’enseignement de base en RDC passe essentiellement par l’amélioration de la qualité de l’enseignement ainsi que par la construction ou réhabilitation des infrastructures scolaires. Bref, il faut que l’offre de l’éducation, exprimée par la disponibilité des infrastructures scolaires et du personnel enseignant suffisant, rencontre la demande (c’est-à-dire le total des enfants scolarisables). Aussi, il faut mettre également en place des mécanismes de distribution des matériels didactiques et de production des manuels scolaires ainsi que ceux de remise à niveau des enseignants. Il faut reconnaître que malgré la crise de la pandémie de Covid-19, les dépenses de l’État sur le secteur de l’éducation se sont accrues sensiblement en passant de 19,9% en 2019 à 28,3% en 20206.

Certes, les efforts déployés dans ce secteur sont considérables. Mais, il reste encore un long chemin à parcourir pour une éducation de qualité et cela nécessite un engagement ferme à la fois du côté de parents, des enseignants et de l’État. Le grand effort à fournir à l’heure actuelle est de s’assurer que les élèves de ce niveau d’enseignement de base puissent savoir lire et écrire, vu le nombre pléthorique observé dans les salles de classe. Il faut imposer une fréquence de deux à trois fois de l’exercice de la dictée. A l’ère de nouvelles technologies, ce n’est plus un secret que les mathématiques sont incontournables pour l’accession du pays à un stade de développement avancé. Dans tous les domaines de la vie, les prérequis mathématiques sont devenus une exigence fondamentale pour réussir avec succès. D’où un appel à augmenter les nombres d’heures de mathématiques pour plus d’efficacité dans l’adaptation des élèves. En outre, il suffit de repenser à doter les établissements scolaires des équipements de laboratoire selon le domaine d’enseignements afin de mieux assurer la partie pratique.

Au regard de ce qui précède, il s’avère indispensable, d’une part, d’accroître les ressources à allouer dans le secteur de l’éducation dans le budget de l’État, et d’autre part, de restreindre toute possibilité de sous-exécution des allocations budgétaires destinées à ce secteur. Cela devrait concourir à la formation du capital humain, car une population formée et en bonne santé contribuera au processus de génération des richesses, et donc au progrès socio-économique. Le graphique ci-dessous donne présente la tendance des dépenses publiques allouées à l’éducation de 2005 à 2020.

  1. Selon les données collectées par le ministère de l’EPST, ainsi que les enquêtes téléphoniques sur les ménages et les directeurs d’école menées par l’Institut national de la statistique et l’Observatoire des crises de la RDC, il a été constaté des hausses généralisées des inscriptions dans tout le pays.
  2. Le coût financier de cette réforme est estimé à plus d’1 milliard de dollars américains/an. Pour son appui à l’éducation, la Banque Mondiale compte débourser 800 millions de dollars américains sur quatre ans dans le cadre de son projet EESSE (Emergency Equity and System Strengthening in Education). En mai 2021, elle a décaissé 100 millions de USD comme première tranche de financement.
  3. Ces chiffres sont en pourcentage du PIB.