Le pétrole constitue
un produit stratégique de l’économie industrielle contemporaine. Depuis le
début de l’année 2021, les cours du pétrole connaissent une tendance haussière.
Après avoir reculé légèrement au mois de mars 2021 (Un baril du pétrole Brent
s’échangeait à près de 60 USD), les cours ont rebondi au mois de mai 2021
jusqu’à atteindre 78 USD le baril du pétrole Brent en début juillet 2021 avant
de replier à 70 USD le baril au 19 juillet 2021 suite à l’annonce de
l’augmentation progressive de la production par les membres de l’OPEP et leurs
alliés.
En RD Congo, la
fin du mois de juillet 2021 a été caractérisée par le changement de la
structure des prix de ce produit stratégique, suscitant le mécontentement des sociétés
pétrolières en RDC. Depuis le 28 juillet 2021, le Ministère de l’Économie a mis
à jour les tarifs des produits pétroliers sur l’étendue du territoire national,
eu égard à la progression observée du « Prix Moyen Frontière Commercial
(PMFC) ». Si l’augmentation des prix du carburant est significative de la
zone Sud-Est du pays (Lubumbashi), la variation enregistrée dans la zone Ouest
(Kinshasa) reste cependant assez dérisoire.
En réaction à
cette nouvelle grille tarifaire de l’or noir, les sociétés pétrolières
congolaises ont exprimé leur insatisfaction, étant donné l’accroissement des
frais variables supportés et l’amoindrissement des marges commerciales. En
moyenne, les sociétés pétrolières enregistrent une perte de l’ordre de USD 2,5
millions et pour combler cela, le gouvernement actuel s’est engagé à payer
régulièrement le manque à gagner.
Le rythme de
formation des prix des biens et services n’a pas connu une accélération
considérable au cours du mois de juillet 2021. Le taux d’inflation hebdomadaire
étant évalué à 0,065% à la quatrième semaine du mois de ce mois. Quant au taux
d’inflation en glissement annuel, il s’est situé à 7,159%, un niveau
significativement inférieur à celui de 9,453% enregistré à la clôture du mois
précédent. S’agissant du taux d’inflation annualisé, ce dernier révèle que,
toutes choses restant égales par ailleurs, l’inflation atteindrait 4,831% à la
fin de l’année 2021, ce qui constitue une nette amélioration par rapport aux
prévisions du mois dernier qui la situait à 4,911%.
Ces perspectives de faible
accélération des prix peuvent être contrecarrées par la troisième vague de la
Covid-19. Si la
vitesse de contamination ne se décélère pas amplement, l’inflation pourrait
évoluer vite à la hausse, cette situation qui amenuiserait le pouvoir d’achat
de la population.
C’est depuis octobre 2019 que la RDC a repris avec les opérations du marché
des Bons du Trésor après une interruption de plus de deux décennies due
notamment à l’instabilité politique du début des années 1990, les dérapages
chroniques des finances publiques, l’hyperinflation et la forte dépréciation de
la monnaie nationale qui avaient mis le gouvernement dans l’incapacité
d’assurer le service de sa dette tant externe qu’interne.
A leur lancement, ces bons du Trésor ont été accueillis avec enthousiasme
par les soumissionnaires qui ont placé des offres allant parfois jusqu’au
quadruple des montants adjugés. C’est notamment le cas des adjudications du 15
octobre et 05 novembre 2019 portant respectivement sur 12 et 15 milliards des
francs congolais mais qui avaient reçu des soumissions de respectivement 42,5
et 41,5 milliards de francs congolais.
Cependant, le graphique ci-dessus montre que l’euphorie aurait été de
courte durée avec la chute en valeur des soumissions vers la fin de l’année
2019 et le début de l’année 2020. Bien qu’il soit observé quelques cas de
soumissions substantielles, fort est de constater que, alors que la tendance
des adjudications était à la hausse, c’est-à-dire des demandes de plus en plus
substantielles de la part du Trésor public, l’offre des adjudicataires affiche
plutôt une tendance à la baisse, indiquant une diminution progressive et
substantielle de leur enthousiasme vis-à-vis de ces titres (tendance négative
des taux de couverture).
L’affaiblissement continu de l’enthousiasme des institutions financières
pour les bons du Trésor (toutes maturités confondues) était interpellant au
regard du niveau de liquidité excédentaire disponible au sein de l’économie. En
effet, l’un des objectifs de l’usage des bons du Trésor comme outil de la
politique d’open market est d’éponger la liquidité excédentaire au sein de
l’économie et ainsi influencer à la fois les taux d’intérêt à court-terme, le
niveau des prix et ipso facto le taux de change.
Etant rationnels, la réticence des opérateurs économiques indique en
quelque sorte un doute quant à la profitabilité des opportunités d’affaires
leur présentées sur le marché des Bons du Trésor, doute qui serait lié aux
caractéristiques mêmes desdits bons.
La non-couverture du pouvoir d’achat des montants
investis dans les Bons du Trésor n’était pas de nature à rassurer les
soumissionnaires potentiels. En effet, même si le Décret du Premier Ministre et
l’arrêté du Ministre des finances garantissent le payement précompté des
intérêts et le remboursement de la valeur nominale à l’échéance, aucun
mécanisme n’était envisagé pour immuniser l’investisseur contre la dépréciation
de la valeur de la monnaie d’investissement qui est le Franc Congolais dans le
cas d’espèce. Pourtant l’incertitude sur l’évolution du taux de change et le
niveau des prix constituent un défi majeur à la possibilité d’intégrer la
probable perte de pouvoir d’achat dans le taux d’intérêt proposés, ce qui conduirait
à la constitution des marges de sécurité rendant les taux d’intérêt
exorbitants. Depuis le début de l’année 2020, le taux d’intérêt ne cessait
d’augmenter jusqu’à atteindre 28%, un niveau inacceptable pour le Trésor public
qui a conduit à l’échec du marché au 2ème trimestre 2021. Il n’y a pas eu
d’adjudication aux mois d’avril et mai 2021.
En somme, il est important de noter que cet aspect de
couverture du pouvoir d’achat des montants investis affecte la performance du
marché des bons du Trésor telle qu’observée à plus d’une année d’activité.
Ainsi, le Ministère des Finances a décidé de créer, par l’arrêté
N°007/CAB/MIN.FIN/CTDPI/2021 du 27 mars 2021, les Bons du Trésor Indexés et les
Obligations du Trésor Indexées au cours de change entre le dollar américain et
le franc congolais. D’après le Ministre des Finances, ces deux instruments ont
l’avantage de protéger les investisseurs contre les pertes éventuelles liées à
la dépréciation de la monnaie nationale.
La conséquence de cette décision du Ministère était la reprise de
l’enthousiasme des agents économiques envers les Bons du Trésor dans le sens
que l’adjudication du 22 juin 2021 qui a suivi cette décision a reçu une grande
réponse. En effet, le Ministère a annoncé un montant de 20 milliards de CDF et
le montant soumis était à hauteur de 49,11 milliards de CDF, soit un taux de
couverture de 245,6%. Malheureusement, les conditions du marché n’étaient pas
satisfaisantes dans le sens que le taux pondéré n’avait pas tenu compte du
caractère indexé des titres qui implique l’élimination de la totalité du risque
de change. Le taux minimum proposé était de 8% et le taux maximal était de 20%,
alors aucune soumission n’a été retenue par le Trésor.
A l’adjudication du 6 juillet 2021, les opérateurs
économiques ont tenu compte du caractère indexé des titres et le marché a eu
lieu et a permis le Trésor de collecté 24,14 milliards de CDF au taux moyen
pondéré de 6,56% après que 5 soumissionnaires ont soumis un montant de 56,64
milliards de CDF pendant que le Trésor avait annoncé un montant de 20
milliards, soit un taux de couverture de 283,2%, rappelant l’enthousiasme des
opérateurs économiques lors du lancement officiel de ce marché au dernier
trimestre de 2019.
Certes, l’indexation des Bons du Trésor au taux de change a rendu les
opérateurs privés plus enthousiastes vis-à-vis de ces titres, mais cela ne
constitue pas une condition suffisante qui puisse garantir l’épanouissement de
ce marché des capitaux internes. Pour y arriver, il sera utile pour le
Gouvernement d’améliorer la crédibilité de sa signature en tant qu’emprunteur
solvable et bon gestionnaire de la chose publique en vue de favoriser
l’efficacité du marché des valeurs du Trésor. Le crédit étant avant tout une
question de confiance, le succès des valeurs du Trésor dépend fortement de la
foi qu’ont les investisseurs dans la capacité et la détermination du
Gouvernement à respecter scrupuleusement ses engagements.
I. De la chronologie des
financements reçus du FMI
Le conseil d’administration du
Fonds monétaire international (FMI) a validé, le 15 juillet 2021, un programme
triennal avec la République démocratique du Congo (RDC) pour un financement de
1,5 milliard USD en échange de réformes (FMI, juillet 2021).
Il faut signaler que ce
financement dont bénéficie la RDC n’est pas le tout premier sous le régime
actuel. En effet, ce financement était attendu depuis l’année 2019 en soutien
au programme du nouveau régime en place dont principalement la gratuité de
l’enseignement. Ce qui justifie le tout premier programme de référence1 signé
entre le FMI et le gouvernement congolais en décembre 2019. A la suite de ce programme
et étant donné les résultats satisfaisants avec l’atteinte des objectifs
quantitatifs et des repères structurels, le FMI avait déjà approuvé, entre
décembre 2019 et avril 2020, un financement d’urgence d’environ 732 millions
USD au total pour aider la RDC à faire face aux effets immédiats de la crise du
Covid-19.
Pour rappel, la coopération
formelle et effective entre la RDC et le FMI a repris en 2019, soit 7ans après
son interruption en 2012. En effet, à l’issue des élections de 30 décembre
2018, le souhait de reprendre la coopération avec le FMI s’étant manifesté par
le nouveau régime en place, sa concrétisation est intervenue plus tard à la
suite d’une rencontre entre le Président de la RDC Félix-Antoine Tshisekedi et
la Directrice générale du FMI Christine Lagarde, le 4 avril 2019, aux
États-Unis. Le Tableau 5 présente les différents financements reçus du FMI de
2019 à ce jour.
D’après le communiqué N° 21/146 du FMI,
cette nouvelle approbation de l’accord au titre de facilité élargie de
crédit (FEC)4 a permis le décaissement immédiat d’environ 216,9 millions
USD pour renforcer les réserves internationales. Cela fait suite au soutien
d’urgence du FMI à la RDC au titre de facilité de crédit rapide (FCR) de 368,4
millions USD intervenue en décembre 2019, et en avril 2020 (en soutien
budgétaire de 363,3 millions USD), soit un montant total de 533 millions de DTS
(50% de la quote-part ou 731,7 millions USD)5.
II. Des critères des
financements reçus du FMI
Plusieurs critères (ou
conditions) ont été établis tant pour le programme de référence, ayant donné
place aux différents financements effectués sur base de Facilité de crédit
rapide (FCR), en décembre 2019, et de soutien budgétaire (SB), en avril 2020,
que pour le récent programme triennal signé en 2021, ayant occasionné le
financement immédiat sur base de facilité élargie de crédit (FEC).
Des critères du Programme de
référence
Il a été établi les conditions
suivantes :
(i) Rétablir la discipline budgétaire
Ceci implique une politique
budgétaire axée sur l’abandon du financement du déficit par la banque centrale,
grâce à une forte hausse des recettes (rétablir le bon fonctionnement de la
TVA, appliquer l’impôt professionnel sur les rémunérations (IPR), analyser les
redevances et paiements versés à différentes entités de l’État, réduire les
exonérations fiscales, se procurer des recettes exceptionnelles en transférant
des ressources affectées non utilisées des entités publiques au Trésor,
réintroduire les bons et obligations du Trésor), à une maîtrise et au
financement des dépenses sur base caisse.
(ii) Améliorer la politique
monétaire et consolider la stabilité du secteur financier
Il s’agit de maintenir
l’inflation en-dessous de 10 % et constituer un coussin adéquat de réserves
internationales, transférer les dépôts en devises étrangères non grevés de la
BCC dans les banques commerciales Congolaises afin d’augmenter les réserves de
change officielles, améliorer la transparence et la gouvernance à la BCC par la
publication des états financiers et la matérialisation du plan de
recapitalisation de la BCC, accroitre la capacité de surveillance financière de
la BCC avec l’assistance du FMI.
(iii) Favoriser une croissance
inclusive et le développement du secteur privé
Il s’agit d’élargir l’accès
aux soins de santé et à l’éducation (e.g. Gratuité de l’enseignement),
améliorer le climat des affaires pour favoriser le développement et la
croissance du secteur privé, renforcer la transparence et la responsabilisation
dans la gestion des ressources naturelles, d’améliorer la gouvernance dans son
ensemble et lutter contre la corruption.
Des critères du Programme
triennal (FCR)
Plusieurs évaluations ont été
effectuées par le staff du FMI dans le but de veiller à l’application de trois
engagements pris par le gouvernement congolais avant l’approbation, par le
conseil d’administration du FMI, de l’accord au titre de la facilité élargie de
crédit (FEC) sus-évoqué.
Il s’agissait donc des
conditionnalités suivantes : (i) Mobilisation des recettes et l’exécution
des dépenses essentielles et d’investissement c’est-à-dire la poursuite des
cibles préétablies dans le programme de référence; (ii) Amélioration de la
politique monétaire notamment avec la restructuration de l’administration de la
Banque centrale du Congo; (iii) Lutte contre la corruption notamment «
la publication à la fois des contrats (miniers) passés qui ne l’ont pas encore
été et la publication des contrats à venir », lequel secteur reste le principal
levier de la croissance économique.
III. Des perspectives
La mise en place de ces
différents programmes de financement par les deux parties prenantes fait état
des perspectives suivantes : A court
terme : (i) la consolidation de la stabilité macroéconomique et (ii)
l’augmentation des réserves internationales ;
A long terme : la réalisation et l’avancement des
principales réformes structurelles dans l’objectif de résoudre les profondes déviations
liées à la mauvaise gouvernance, au climat des affaires défavorable et à la
pauvreté généralisée dont souffre le pays.
Toutefois, il est peu probable que les
objectifs de long terme soient atteints car, en plus des pressions budgétaires
probantes subi (ou à subir) par le gouvernement au regard des enjeux politiques
que génèrent le processus électoral, les retombées négatives de la troisième
vague de la pandémie de la Covid-19 sur l’économie congolaise devraient se
faire sentir dans un futur proche en termes de baisse de recettes internes et
de hausse continue des dépenses publiques
II.1.5 Finances publiques
Suivant les statistiques du
CTR (Ministère des Finances), le Trésor Public a enregistré un déficit de 154,153
milliards de CDF à la quatrième semaine du mois de juillet, alors que le mois
de juin s’était clôturé avec un excédent budgétaire évalué à 165,464 milliards de
CDF. Cette situation est tributaire de l’indiscipline budgétaire observée à la
quatrième semaine de juillet 2021, de même pour la même période en juin 2021, étant
donné le manque d’application du principe de financement des dépenses sur base
caisse.
En effet, à la quatrième
semaine du mois précédent, le Trésor public avait accusé un déficit de 276,764 milliards
de CDF, ce qui signifiait que 29% et 18% des dépenses publiques effectuées
respectivement en juin et juillet n’étaient pas financées par les recettes
collectées. Toutefois, au regard de la dynamique actuelle des finances
publiques qui connait une embellie depuis plus de trois mois (avec des taux de
réalisation des recettes publiques situés à 150% pour la DGI, 126% pour la DGDA
et 100% pour la DGRAD, en fin juin 2021), ces statistiques pourraient
légèrement varier à la clôture de juillet 2021.
De plus, 82,3% des recettes
collectées durant la quatrième semaine de juillet 2021 proviennent de la DGI et
de la DGDA et seulement 17,7% sont mobilisées par la DGRAD. Les statistiques du
CTR indiquent qu’il n’y a pas eu des recettes collectées auprès des entreprises
pétrolières durant la quatrième semaine de juillet. Comparée à la contribution
de chacune des composantes des recettes publiques à la clôture du mois
précédent, les trois régies ont augmenté leur contribution (Cfr. Figure 10).
S’agissant des dépenses
publiques, elles sont passées de 960,409 milliards de CDF à 874,790 milliards
de CDF entre juin et juillet 2021. En termes qualitatifs, 49,8% des dépenses de
la quatrième semaine de juillet 2021 concernaient la paie des salaires alors
que seulement 3,1% de ces dépenses étaient affectés aux investissements
publics. Il faut mentionner que cette rubrique demeure quasi-identique à celle
observée au mois précédent comme le révèle la Figure 11.
Il est également important de
rappeler que cette articulation des dépenses publiques ne rencontre pasles
exigences d’une politique budgétaire orthodoxe qui voudrait un investissement
public minimum à la hauteur de 40% des dépenses publiques. Cette faible
propension à investir constituerait un frein pour le développement de
l’économie nationale et pourrait mettre en mal le degré de soutenabilité des finances
publiques par rapport à ses engagements, principalement avec le FMI étant donné
le nouveau programme validé qui se chiffre à 1,5 milliard de dollars américains
sur 3 ans.
Toutefois, Congo Challenge
réitère ses recommandations des mensuels précédents dans ce sens qu’il est
impérieux pour le gouvernement de veiller à la qualité des dépenses publiques
en privilégiant les dépenses en capital, reconnues comme porteur de croissance
économique non inflationniste, lesquelles doivent être compensées par une
discipline budgétaire au niveau des
dépenses de fonctionnement par la réduction effective du niveau de train de vie
des institutions politiques. Cette approche devrait consolider la portée, la qualité
ainsi que la durée de l’action publique afin de faire face aux principales contraintes
auxquelles est confronté le gouvernement congolais, soit le défi de : (i) la
mise en place des moyens nécessaires pour le processus électoral ; (ii) la
dotation en équipements des unités militaires basées dans les provinces
fragilisées par l’insécurités et actuellement en Etat de siège ; (iii) la stabilisation
et la diversification de l’économie congolaise afin d’améliorer le niveau de vie
réelle de la population.
De ce fait, l’urgence est pour
le gouvernement d’hiérarchiser, à court terme, les projets à financer suivant
les critères de pertinence et de portée sociale en tenant compte du niveau de
mobilisation des ressources disponibles, et ,dans le long terme, entreprendre
des réformes courageuses dans le domaine des finances publiques afin
d’optimiser la capacité de collecte des recettes par les régies financières et,
de ce fait, doter les pouvoirs publics des ressources suffisantes pour réaliser
le programme du gouvernement visant un développement durable du pays.